Les anglais ont un même mot pour les deux : owl. Alors, laissons
aux ornithologues francophones se soin de trancher et parlons histoire... La
question est donc : « pourquoi la chouette ou le hibou
sont-ils toujours associés au monde de la lecture, du livre et de la bibliothèque ?».
Microsoft a
informatisé ce paradigme avec sa célèbre image clipart du hibou à lunettes
tenant un livre :
Avant Bill Gates, en 1963, Walt Disney a associé un petit hibou espiègle,
Archimède, à un
gentil magicien, Merlin, dans le dessin animé « Merlin l'Enchanteur ». Le titre original
du dessin animé est « The Sword in the Stone » (L'épée dans la pierre). Il fait
directement référence aux légendes du Roi Arthur qui trouvent leurs origines au
Moyen Âge.
À cette époque, la chouette était considérée comme un animal
maléfique. Ses chuintements, ses cris stridents, ses bruits dans les greniers
qu'elle occupait et la couleur blanche de la « chevêche effraie » faisaient dire
que c'était un être fantomatique. On la clouait sur les portes des granges,
pattes en l'air, pour éloigner la maladie, le « Malin » et les hérétiques.
Les hérétiques, c'était ceux qui avaient eu l'outrecuidance de ne pas se
conformer à ce qui était généralement admis ou tenu pour acquis dans les
domaines de la pensée, de la connaissance et de la religion. L'Inquisition
battait son plein et il était mal vu de trop connaître ou de trop penser ! La
connaissance autre que celle enseignée par l'Église, ainsi que l'esprit
critique, n'avaient pas droit de cité. Pourtant, « haïrésis » signifie simplement
« choix, préférence pour une idée, une pensée ».
Il y a donc là un double
paradoxe que résout Disney en retournant aux sources. En associant ce petit
hibou à un gentil magicien, Disney renouait avec l'antiquité et associait à
nouveau l'oiseau et le savoir.
À l'origine, en effet, la chouette est un
des attributs de la déesse grecque Athéna (Minerve chez les romains). Athéna est
celle que Homère (cet aède grec né au VIIIe siècel avant J.-C.) appelle « Théa
Glaukopis Athénè » que l'on traduit par Athéna, la déesse aux yeux glauques ou
aux yeux pers ou aux yeux de chevêche. Athéna est fille de Zeus et de Métis;
elle est née adulte et « intellectuellement » formée de la tête de son père. Pas
étonnant donc qu'elle soit celle qui inspire l'intelligence aux hommes. Déesse
de la sagesse, de l'étude, du savoir, de la prudence, de la sensibilité
artistique, et partant, de la philosophie, mais aussi de la guerre « stratégique »
par le côté rusé qui doit guider le guerrier « intelligent ».
Comme la
chouette qui voit la nuit pour chasser, Athéna voit dans la nuit de l'ignorance
des pensées et inspire les hommes. La nuit, sans doute parce que c'est « le temps
le plus favorable à la méditation et que l'Homme n'étant alors distrait par
aucun objet extérieur, peut se livrer avec fruit à la contemplation intuitive de
son âme. » (Maréchal Sylvain, Antiquité d'Herculanum, Vol. 6, planche CXXX, p.
80, 1750-1803).
Athéna est devenue déesse d'Athènes et symbole de son éclat et
de son rayonnement. C'est elle qui enseigna aux hommes les nombres et leur
usage, ainsi que l'art de l'éloquence. Son attribut, la chouette, qui lui a été
associé pour marquer que la véritable sagesse ne s'endort jamais, a été gravé
sur les pièces de monnaie et symbolisait la richesse. La drachme d'Athènes était
frappée à l'effigie d'Athena et de la chouette. Aujourd'hui, en Grèce, la
chouette figure sur la pièce de 1 Euro.
Ainsi donc, de nos jours, la chouette a repris sa place au côté d'Athéna, et symbolise la connaissance, l'érudition et la sagesse. Elle orne les frontons d'écoles et d'universités. Des mouvements de pensées en ont fait leur emblême et elle a donné lieu à émissions de timbres comme le n° 2029 de Belgique. Dans notre imaginaire du XXIe siècle, elle a repris place de symbole de l'amour de la lecture et du savoir.